La médiation animale et l’autisme, un espace de rencontre où l’affectif devient moteur ?

La médiation animale et l’autisme :

un espace de rencontre où l’affectif devient moteur ?

Partie 1

Je viens aujourd’hui vous faire un retour sur mon intervention aux Regards Croisés : l’autisme et le rôle de l’animal qui ont eu lieu à Brest, les 12 et 13 Décembre 2012. C’était deux jours denses et passionnants tant en rencontres humaines qu’en découvertes théoriques et scientifiques. Je profite de cet article pour remercier les organisateurs de ces deux journées !

J’y ai fait une intervention où j’ai présenté succinctement le cadre dans lequel j’interviens quand je travaille à domicile ou en institutions. Puis deux cas cliniques de personnes avec autisme avec qui j’ai travaillé en collaboration avec mes chiens, ce qu’ils m’ont appris et en quoi l’animal a joué un rôle dans cette rencontre.

Le premier cas, est un enfant avec qui j’ai travaillé à domicile. Voici son histoire. Je rencontre la maman de cet enfant lors d’une représentation de Coeur d’Artichien. Elle vient vers l’association pour prendre des informations sur ce qu’est la médiation animale. Elle m’explique que son enfant est autiste, elle cherche des moyens pour l’apaiser. Ce jour-là, elle ne me fera pas de demande particulière et repartira simplement avec une plaquette de présentation à la main. Laisser les parents venir à nous à leur rythme, en respectant leur temporalité, c’est essentiel pour créer un futur espace de travail et un cadre d’intervention contenant et sécurisant.

Plusieurs mois après, la maman me contacte et me demande de venir rencontrer son fils à domicile pour voir comment il réagit en contact avec un de mes chiens. Je choisis Chayna, une chienne douce, calme et à l’écoute.

Rencontre à domicile

L’enfant est agité, j’ai le sentiment que le peu de mouvements que fait ma chienne sont très envahissants et source d’angoisse pour cet enfant. Je fais le choix de m’assoir par terre et de me taire. Ma chienne me suit et se couche à côté de moi. Pendant plusieurs minutes, rien ne se passe ou ne semble se passer. Ce temps d’observation, d’apprivoisement mutuel agit. J’observe l’attitude de ma chienne et celle de l’enfant. Je constate que lorsque je m’adresse directement à Julien, je ne semble pas exister pour lui et manifeste de nombreuses stéréotypies. Chayna essaie naturellement d’aller à son contact, il n’y a pas de réaction de la part de l’enfant.

Mais voilà, il se passe quelque chose lorsque je me mets à parler à ma chienne de Julien. Julien écoute, se détend et vient s’assoir sur le canapé.

La triangulation ?

Que s’est-il passé ? Quel rôle le chien a-t’il joué ? Nous ne pouvons faire que des hypothèses…

Dans la pathologie de l’autisme, nous savons que la relation à l’autre est complexe et anxiogène. L’animal, à mon sens, rendrait la présence de l’autre « humain », moins anxiogène. L’animal va alors permettre d’ouvrir un espace de communication autre qui permettrait à certaine personne autiste de pouvoir être dans un mode de relation différente et donc plus « supportable » pour lui. L’animal servirait de tiers, de séparation, de médiateur entre l’autre et la personne atteinte d’autisme.

Avec l’expérience, je me demande si le polygone à 3 côtés est bien la forme géographique adéquate pour parler de médiation animale…mais cette question sera l’occasion d’un futur article.

A la fin de la séance, je fais part à la mère de mes ressentis. Puis plus de nouvelles pendant plusieurs mois. La vie nous réserve parfois de mauvaises surprises, entre temps Chayna décède.

J’aurais un coup de téléphone de la maman plusieurs mois après la mort de ma chienne. Elle m’apprend alors les effets qu’ont eu cette seule séance sur cet enfant. L’enfant appelle ses jouets en forme d’animaux par le nom de ma chienne. Suite à cette rencontre dans le système familial, la famille a fait le choix d’acquérir des animaux pour stimuler leur enfant. La maman en parle comme une expérience positive qui lui a permis de découvrir son enfant d’un autre point de vue.

Ce que cette expérience rappelle

Qu’est-ce que l’on peut tirer de cette rencontre ? Il y a quelques années, j’avais écrit un article sur la question suivante, je vous invite à lire ou le relire : Quand commence et finit une séance de médiation animale ?

La séance commence dans le monde imaginaire du bénéficiaire bien avant, et se poursuit bien après l’arrivée et le départ de l’animal médiateur et de l’intervenant.

La deuxième chose que m’a rappelé cette expérience avec cet enfant, ce que l’on ne peut jamais savoir ce que fait le bénéficiaire de la séance, cela lui appartient pleinement. Dans le cas de cette séance, je pensais qu’il ne s’était pas passé grand chose, et pourtant… Il a su à sa manière investir cette rencontre singulière.

© Ce document ne peut être reproduit ou diffusé sans autorisation préalable de son auteur

Le deuxième cas clinique et la conclusion de mon intervention à Brest arrivera prochainement sur le site Coeur d’Artichien. A bientôt !

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2 Commentaires pour “La médiation animale et l’autisme, un espace de rencontre où l’affectif devient moteur ?”

  1. 1Arnaud

    Merci pour ton article. Il m’évoque la simplicité, le dépouillement, l’humilité….de notre travail avec l’animal et de la rencontre avec un bénéficiaire. C’est pourtant tellement difficile à évoquer, à défendre pour convaincre…

  2. 2Orlane

    Un article simple mais loin d’être simpliste, accessible à la compréhension du plus grand nombre alors que le sujet et la relation sont d’une extrême complexité… Bravo Aurélie pour cette finesse clinique ici retranscrite!!

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