La notion de travail est-elle adaptée à l’animal médiateur ?

vendredi, 1 février 2013, 22:03 | Catégorie : Chien médiateur, Médiation par l'animal

Bonjour chers lecteurs, 

Au mois de Décembre 2012, nous vous avions présenté la première partie d’un article écrit par Aurore Chartier « L’éthologie et le bien être de nos animaux médiateurs« . Elle partage avec vous aujourd’hui la deuxième partie de son article « La contribution de la sociologie au bien-être animal : encore un champ d’application aux animaux médiateurs », une réflexion sur la notion de travail dans l’utilisation de nos animaux médiateurs. Bonne lecture ! Aurélie Vinceneux

La contribution de la sociologie au bien-être animal :

encore un champ d’application aux animaux médiateurs

Mais que vient faire la sociologie dans le bien être animal? Son implication est logique quand on y réfléchi. Puisque les animaux dont nous voulons améliorer le bien être sont en relation étroite avec les humains. Et dans de très nombreux cas, cette relation étroite se fait dans le cadre du travail humain. Par exemple, les animaux de rente sont en relation avec les humains dans le cadre de l’emploi de leur propriétaire…

En médiation animale, la plupart d’entre nous utilise le terme de « travailler » quand nous emmenons nos animaux en institution. Certains diront que ce terme est une façon de parler abusive. En effet « travailler » est un concept réservé aux humains. Ceux là nous regardent donc de travers quand nous parlons de faire travailler nos animaux. Ont ils raison ou tord?

C’est la question à laquelle Jocelyne Porcher, chargée de recherche à l’INRA (Institut National de Recherches Agronomiques) tente de répondre.

Ses recherches visent à établir un concept de « travailler » animal. Bien entendu, ce concept sera différent chez les animaux car n’engendrera pas les mêmes choses et n’aura pas le même but. Nous imaginons mal un animal attendre la fin du mois que son salaire tombe à la banque.

La principale difficulté quand on cherche à étudier les relations homme-animal, est qu’il n’existe pas discipline pour le faire. Actuellement, ces relations sont donc décrites soit du point de vue de l’animal (sciences de la nature) soit du point de vue de l’humain (sciences humaines). Ainsi, on n’a jamais réellement cherché à conceptualiser la participation des animaux au travail des humains, ni ce que cela signifie pour les animaux de « travailler ». Cette absence de discipline, pousse les recherches de Jocelyne Porcher à travailler avec des outils tirée de l’éthologie, de la sociologie et de la zootechnie.

Dans le cadre de mon Master 2, j’ai eu l’honneur de participer à ses recherches.

Les études présentées ici sont principalement réalisées sur des animaux d’élevages. Car les animaux tels que les chiens, les animaux de cirques, ou les animaux de traits sont plus facilement accepté comme animaux de travail (mais toujours pas animaux travailleurs). En suisse, les chiens policiers ont atteint en 2008 le statut de fonctionnaire! Mais cela sans que le fait qu’ils travaillent soit effectivement reconnu.

Les animaux d’élevages passent plus inaperçu, alors qu’ils évoluent aussi dans le monde du travail humain. Mon étude sur un élevage de cochons a permis de dégager des pistes de réflexion. Nous avons mis en évidence que les truies de cet élevage collaborent (au moins) au travail de leurs éleveurs, tout en transgressant les règles et en négociant certaines conditions d’élevage, forçant les éleveurs à s’adapter. En effet, les truies adoptaient trois types de comportement: les comportements naturels propres à leur espèce, les comportements interspécifiques (lié à la relation de confiance avec leurs éleveurs), et les comportements atypiques facilitant les conduites d’élevage dans des situations pouvant être désagréables pour elles. On pourrait penser que ces derniers comportements sont de l’ordre de la résignation aquise, mais nous parlons de cochons libres sur plusieurs hectares de prairie! Accepter de se plier à des règles, les enfreindre parfois, accepter des situations contre-nature de son plein gré (car pourraient être évitées), cela se rapproche grandement du travail.

Dans le cas des chiens, on a tendance à considérer qu’ils acceptent de travailler par plaisir, car cela constitue un jeu ou encore par amour de leur maître. Mais si les animaux d’un élevage bio en plein air, dans un environnement proche de celui du sanglier collaborent au travail de leurs éleveur, qu’en est il d’un chien qui se déplace avec son maître et à qui on demande clairement de travailler?

Les travaux de Jocelyne Porcher, en avançant, pourraient bien révolutionner la façon que nous avons de voir nos animaux médiateurs. Et si nous sommes convaincus (parce que nous vivons avec eux et voyons les différences de comportement au travail ou à la maison), il reste encore beaucoup de réfractaires à convaincre!!

Article Rédigé par Aurore Chartier,

Éthologue et Intervenante en Médiation Animale

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