L’ancrage affectif dans la pratique de la médiation animale : Mme M, une personne âgée désorientée partie 2

jeudi, 23 février 2017, 7:34 | Catégorie : CAZOO et la personne âgée

mediation animale nantesChers lecteurs, 

Comme promis la semaine dernière, voici la deuxième partie de l’article sur le cas clinique « Mme M », que l’on pourrait également intitulé « l’ancrage affectif dans la pratique de la médiaiton animale ». Voici le lien pour lire la première partie : http://www.coeurdartichien.fr/?p=5501 En vous souhaitant une bonne lecture, de bonnes vacances aux chanceux et du courage aux travailleurs. 

Étape 3 : Définition des objectifs de travail avec l’équipe pour Mme M.

Au cours d’une rencontre avec l’équipe pluridisciplinaire du service, où réside Mme M, nous échangeons sur le quotidien de cette dernière. Comme à chaque début de prise en charge individuelle, nous réfléchissons ensemble à la manière dont la médiation avec Betty peut permettre de répondre à certaines problématiques de Mme M.

Dans un premier temps, nous axons notre travail sur le simple fait, qu’elle accepte de faire une activité et qu’elle puisse y prendre du plaisir. Les séances sont hebdomadaires et durent au maximum 45 minutes, en fonction de la capacité d’attention de Mme M. Les premières séances fonctionnent bien.

Nous avons pu repérer, au bout de quelques séances, ce qui était angoissant pour Mme M : il s’agit (entre autres) des transitions. Une fois la séance démarrée au cours des premiers mois, elle a commencé à parler de ses chiens, de l’importance qu’ils avaient eu dans son histoire et elle a raconté des bribes de vie.

Nous avons travaillé dans un premier temps sur la motricité en utilisant le plaisir que Mme M avait eu de s’occuper de ses chiens. Durant les séances elle ne pleure plus, ou très peu. Elle est dans la communication avec nous.

On brosse Betty. Cela valorise Mme M, qui se détend. Brosser Betty la renvoie à de bons souvenirs de son histoire de vie. On lance la balle à Betty, qui la ramène en se tortillant de joie et en remuant la queue, l’air de dire « Lance-la encore »! Mme M se sent utile et utilise ses articulations de ses bras et de ses mains.

Ce qu’elle aime surtout, c’est donner des poignées de friandises à Betty à la fin de la séance. Elle fait faire un tas d’exercice à Betty avec chaque friandise. Elle travaille son élocution, le ton de sa voix, Betty exécute. Mieux qu’avec les animateurs parfois !

Durant ces premiers mois d’intervention, il y a des hauts et des bas. Parfois, Mme M refuse la séance : l’angoisse de transition est trop forte. Elle se met alors dans de grosses colères. Parfois, le simple fait que la personne qui l’accompagne ferme la porte et sorte suffit pour que Mme M s’apaise. Parfois, cela ne fonctionne pas.

L’équipe écoute sa colère et respecte son choix de ne pas venir en séance. La considérer en tant que personne à part entière est important, mais en tant que professionnel c’est frustrant. A la suite de plusieurs refus de la part de Mme M de venir en séance, nous nous réunissons avec l’équipe pluridisciplinaire.

Étape 4 : La recherche d’une nouvelle approche

La prise en charge de Mme M en médiation animale a débuté en Janvier 2011. En Juin 2011, nous nous réunissons avec l’équipe. Nous essayons de décoder ce que ces refus peuvent signifier pour Mme M. Comment les prendre en compte tout en lui permettant de profiter d’une activité qui, une fois démarrée, la détend et lui procure du plaisir ? Son opposition peut être parfois violente verbalement. A quel moment doit on cesser de l’écouter ?

Le positionnement de l’équipe est de dire que la médiation animale doit continuer pour cette dame. C’est une des rares activités que Mme M accepte et où elle peut parler librement de ses ressentis. On fait le choix de changer l’organisation du début de la séance, et de refaire un point en septembre si la situation n’a pas évoluée.

Durant l’été 2011, le cadre est plus flottant avec les allers venues des congés estivaux. Les séances avec Mme M sont de moins en moins possibles, et nous nous préparons à arrêter la prise en charge avec cette personne. Ces séances de médiation animale n’avaient plus de sens avec elle. Nous en parlons avec un membre de l’équipe, qui nous interpelle : « et si c’était Mme M qui te recevait dans la salle, plutôt que toi qui l’y attendes ? » Nous testons cette initiative. Un membre de l’équipe accompagne Mme M dans la salle d’activité et reste avec elle pour discuter un court instant. Il lui précise qu’elle a une visite qui arrive.

Cette nouvelle approche permet de limiter l’angoisse générée par la transition. C’est Betty qui transite et non plus Mme M. L’animal médiateur a alors tout son sens. Depuis l’adoption de cette méthode, les séances refusées sont devenues rares. Une fois pensé différemment notre temps de travail ensemble, le fait de lâcher prise et donc de changer notre positionnement professionnel a permis de relancer une dynamique avec cette personne.

Il n’y a plus actuellement d’agressivité ni de colère dans nos séances. La prise en charge se stabilise. Mme M prend toujours autant de plaisir à voir Betty.

Étape 5 : Bilan

Cela fait un an que nous voyons Mme M toutes les semaines. Nous constatons aujourd’hui que l’animal permet un ancrage affectif fort et qu’il facilite la rencontre avec la personne désorientée ou agressive. La preuve en est que Mme M, dans ses hallucinations, parle d’un chien noir assis sur son fauteuil dans sa chambre, qui la protège. Nous retrouvons ce chien noir dans certains de ses délires, mais jamais dans des délires persécuteurs.

Dans cette situation, Betty a permis comme médiatrice d’apporter un outil supplémentaire à l’équipe de travail pour accompagner une personne en grande difficulté. Cet espace de parole lui a permis de raconter son histoire, ses souvenirs, bons ou mauvais, et de ce fait d’être prise en compte en tant que sujet à part entière.

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