La mediation animale sous le signe du lien

samedi, 7 avril 2012, 12:21 | Catégorie : Bibliographie de CAZOO, Chien médiateur, Médiation par l'animal

Boris Cyrulnik coeur d'artichienBoric Cyrulnik , est un neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste, rien que ça ! Ce qui est intéressant pour parler de ce qui nous intéresse ici : la médiation animale, c’est qu’il connait aussi bien le comportement de l’homme et le comportement de l’animal.

Je lis depuis quelques semaines un livre de lui que je ne connaissais pas encore : Sous le signe du lien. Le lien est une notion dans notre pratique d’intervenant en médiation animale que nous utilisons Créer du lien ? Faire le lien ? L’animal facilite le lien ? Cette notion de lien est également présente dans notre vie d’humain social de tous les jours. En bon humain névrosé pour 80% d’entre nous, nous avons besoin de l’autre, pour se découvrir, se connaître, s’apprivoiser et donc du lien à l’autre. Ce lien peut être parfois pathologique, dynamisant, excitant, terrifiant, rassurant, etc, mais il est bien présent et indispensable.

En lisant ce livre je suis tombée sur paragraphe, qui a répondu en partie à une question que je me pose depuis plusieurs années : comment le chien fait pour s’adapter à ce point à son maitre ? Pourquoi lorsque nous adoptons un chien adulte, le comportement que l’on peut observer avec nous, ne correspond pas tout à fait, à ce que nous avait décrit le précédent maitre du chien ?

Voici l’extrait :

mediation animale sous le signe du lienC’est dans cette optique issus de l’observation des goélands et des méduses que nous avons étudié le cri, le rêve et autres productions des nouveaux nés. Postulant qu’un bébé seul n’est pas un bébé, nous avons observé les nouveaux-nés dans le champ où ils se développent et dont ils reçoivent les pressions, c’est à dire le champ des fantasmes, de leurs parents.

On objecte souvent : un fantasme est un scénario imaginaire qu’on se projette à l’intérieur de soi même pour mettre en images nos désirs à peine conscients. Comment voulez-vous qu’une image intime exerce une pression active chez le nouveau né ?

Pour démontrer la grande puissance des fantasmes et leur action dans le réel, il nous fallait des animaux. C’est Pupuce un chien bâtard qui, le premier, a rendu observable l’action réel des fantasmes imaginaires. En 1978, nous avions repéré un couple à risque, ce qui n’est pas un exploit. Ce couple ne pouvant avoir d’enfant, avait acheté un chien, ce qui n’est pas rare. Mais ce chien baptisé Jupiter, venant en place d’un enfant devenait chien signifiant (ndlr : chien signifiant = qui symbolise l’enfant) ce qui nous intéressait plus. Ce chien signifiait le don d’amour de ce jeune couple. Quelques repères comportementaux très simples nous permettaient de voir que Jupiter se tenait près de sa maitresse à portée de caresse, de regard, de voix, d’offrandes alimentaires ou de toute communication sensorielle venant de sa maitresse adorée. Il aboyait dès qu’un intrus s’approchait d’elle et ne se calmait qu’après avoir reçu quelques affectueux coups de pied.

Quelques années plus tard, tout se gâte dans la famille d’accueil de Jupiter. Le couple parental commence à se disputer et Jupiter change de sens. Il devient le chien qui symbolise le mariage raté :  » Quand je pense qu’on l’a acheté parce qu’on croyait s’aimer, dit-elle – C’est toi qui a voulu l’acheter. – Mais non, c’est toi, c’est ton chien qui nous empêche de partir en vacances. »

Un jour Pupuce, chien des rues grand expert en poubelles, exerce son talent dans les détritus du voisinage. La jeune femme aussitôt l’adopte car « lui au moins, c’est un chien libre ». Jupiter, fort du droit que lui donne son ancienneté menace Pupuce, qui, aussitôt se soumet. Jupiter se tient à proximité des caresses parentales, dort au pied du lit, mange et aboie le premier, timidement imité par Pupuce, toujours en retrait ou en retard.

Progressivement les relations affectives se sont orientées sur le bâtard qui, sentant « l’aide morale », a pris confiance, alors que Jupiter, découragé, de moins en moins renforcé, a cédé quelques prérogatives. Sont apparus alors quelques surprenants comportements. Jupiter qui ne mangeait que de la bonne viande et s’arrêtait dès qu’il n’avait plus faim, s’est mis à gloutonner des gamelle de nouilles et les quignons de pain dédaignés de Pupuce. Lui, qui donnait l’alerte à la moindre étrangeté a continué à dormir tandis que Pupuce défendait son nouveau territoire. Lui, si agile aux jeux de balle, s’est mis à faire des faux mouvements, à tomber, glisser, rater la balle ou même la relâcher vite, après l’avoir prise en gueule, dès que le pataud Pupuce apparaissait. Surprenante obésité, surprenants troubles du sommeil, surprenants comportements d’échec chez un chien si vif encore quelques mois auparavant.

La signification que Jupiter prenait dans l’esprit de sa maitresse avait changé, parce que les relations entre les humains avaient changé. Les attitudes, postures, paroles et offrandes de la jeune femme devenaient agonistes pour Pupuce le bâtard, qui signifiait la liberté. Ces gestes devenaient antagonistes pour Jupiter le chien de race qui signifiait désormais le mariage raté. La représentation qui apparaissait dans l’espace imaginaire de la jeune femme induisait des communications sensorielles différentes selon la signification qu’elle donnait aux deux chiens. L’un se sentait entravé, et l’autre renforcé. Les comportements et métabolismes des chiens devenaient conséquences du fantasme de la jeune femme.

Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien, PP 58-60, Editions Pluriel Psychologie

  • Je vous invite également à lire (ou relire) les deux articles que j’avais écris pour le DURAMA en 2010 :

Bon loooong week end !

Aurélie Vinceneux

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